Editorial
Editorial
Construire transforme le paysage. L'intervention établit une nouvelle silhouette, le terrain est tantôt légèrement adapté, tantôt radicalement réinterprété. En Suisse où les montagnes, les fleuves et les lacs occupent une part importante du territoire, il n'existe plus guère de surfaces qui n'aient été transformées pas à pas et mises au service de l'homme. Le «câblage des montagnes» qui a, depuis longtemps, atteint les sommets les plus hauts et les plus distants et entraîné d'énormes transformations des terrains est, peut-être, le signe le plus prégnant de ce processus de civilisation. Un processus dans lequel le paysage est transformé en paysage culturel, le naturel est reformé avec l'artificiel. Ce processus n'est jamais achevé; il ne cesse de recommencer à un nouveau niveau et la végétation qui repousse y apporte sa contribution: déjà peu d'années après, l'état préalable est oublié et l'état présent est perçu comme terrain «originel». Néanmoins, le caractère de plus en plus artificiel du paysage ne peut pas nous échapper. Le besoin de laisser paraître les constructions comme éléments de la topographie – un thème aux nombreuses facettes qui est bien plus ancien que la notion du „morphing“ – a-t-il quelque chose à voir avec un certaine mélancolie liée à la perte irrésistible de l'état originel? Avec l'espoir de ne pas chasser le genius loci de cette manière, mais de le respecter voire même de le fortifier? Dans ce cahier, nous montrons des constructions actuelles qui visent, de manière chaque fois différente, une symbiose avec la nature. En complément, nous présentons des exemples de génie civil qui renvoient, à une grande échelle, au thème de la topographie construite: en Suisse, il existe d'innombrables kilomètres de murs de soutènement, de terrassement et autres ouvrages similaires qui, ensemble, marquent durablement le paysage. Les constructions qui relèvent du travail sur la topographie essayent d'effacer la frontière entre ce qui est construit et le paysage. Mais elles ne veulent pas être invisibles; elles jouent avec l'attrait de l'adaptation et du contraste, développent plus avant des aspects de la situation topographique, les soulignent, les subordonnent ou s'y opposent. Souvent, de tels bâtiments opèrent comme un commentaire qui révèle les propriétés topographiques de la parcelle: la pente du terrain, la dureté de la roche, l'artificialité du vert, etc. Les chantiers montrent qu'aussi dans les projets qui tiennent compte du terrain de manière sensible la surface doit, dans un premier temps, être blessée avant qu'elle ne puisse ensuite être drapée à nouveau «du naturel» à grand renfort de moyens. La rédaction