Editorial
Editorial
La jeunesse politisée portait Che Guevara sur ses T-shirts, était opposée à la guerre du Vietnam, avait Woodstock dans le sang et participait à des „sit-in“ et des „go-in“. Les premiers „light shows“ étaient projetés dans les bars et les caves à musique, de la basse technologie vue d'aujourd'hui. Et pourtant l'ivresse des lumières envoûtait et l'on se laissait emporter par Janis Joplin et Jimi Hendrix, rêvait d'Easy Rider et de Zabriskie Point, love, love, love. Le Docteur Hofmann représentait le trip psychédélique dans toutes ses couleurs; le monde extérieur était tout aussi multicolore et fleuri, avec des tonalités dominantes oranges, brunes et beiges, du moka-vanille onctueux, des tapis épais, des crépis rugueux, de la bakélite et des mousses, le tout à la fois massif, exubérant et frivole. En architecture, on préparait la rupture à venir et formulait l'adieu à la modernité. Dans les villes atterrirent de grands ovnis, tantôt des monstres euphoriques, tantôt des bâtiments bien pensés dont les concepts structuralistes correspondaient aux changements sociaux en cours. Les années 1970 furent le théâtre de mouvements sociaux qui, indépendamment de leur orientation, donnaient une forme et un caractère à leurs demandes. Ce fut aussi une période d'expérimentation. Le présent cahier est consacré à cette période de ruptures, d'utopies et de visions «autour de 1970», pas aux années 1970 en général, dont les thèmes – les débuts de la Tendenza au Tessin ou l'émergence de la protection de l'environnement – annoncent déjà les années 1980. Il en subsista ce qui, déjà à l'époque, était perçu comme étant des réalisations de référence. L'on exhume maintenant, ou mieux encore, l'on redécouvre d'autres choses: des bâtiments, des aménagements intérieurs et du design. Après trois décennies, il faut rénover les architectures encore utilisables. En même temps, il apparaît que bon nombre de ces bâtiments ont étonnamment bien vieilli. Les assainir sur le plan technique et les adapter à de nouveaux besoins revêt un attrait auquel est particulièrement sensible la génération d'architectes qui n'a pas vécu activement le „groove“ des années 1970. Est-ce le saut habituel des générations qui créé des liens de parenté ou assiste-t-on, après des années de réserve et de minimalisme, à un simple retour de balancier? Le désir de porter un regard rétrospectif et l'accointance de l'architecture actuelle avec les années 1970 motivèrent la réalisation de ce cahier. Un synopsis illustre la période – en quelque sorte un tableau de l'époque. Un entretien avec des architectes de différentes générations illustre aussi bien la perception contemporaine et la manière d'aborder cette époque longtemps honnie. Trois agrandissements et transformations de bâtiments aujourd'hui trentenaires montrent comment il est possible, avec des contrepoints et des appropriations créatives, de rendre justice aussi bien à l'époque contemporaine qu'au passée. Nous publions une école-icône qui a été achevée en 1970 et qui doit être démolie aujourd'hui et, pour finir, nous portons un regard exclusif dans un intérieur magnifiquement conservé et typique de l'époque où les lignes incurvées, les plastiques et les paillettes regardaient l'avenir.
La rédaction