Editorial

Les structures filigranes faites d'éléments fins en tige auxquels il faut ajouter des parois, des sols et des plafonds pour passer du statut d'espace ouvert à celui d'espace fermé sont – ou devrait-on dire étaient? – caractéristiques de la construction en acier. Semper a ainsi écrit dans „Stil“ qu'un emploi rigoureux de l'acier, conforme à ses propriétés, conduit à une architecture invisible, car plus la résille d'acier est fine et plus elle est aboutie dans son genre. En effet, la grande rigidité de l'acier, sa propriété la plus marquante, permet de réduire les sections indispensables au plan statique à des dimensions étonnamment restreintes. Pourtant, ce cahier ne porte pas sur la disparition, mais au contraire sur la présence physique de l'acier. Le titre doit être compris ainsi. Nous présentons des bâtiments et un projet dans lesquels l'acier crée du volume et joue un rôle porteur, au sens premier comme au sens métaphorique. Dans ce contexte, l'exemple le plus radical est sans doute la maison en acier de Kazuyo Sejima dont les parois sont composées uniquement de tôles d'acier de 16mm. Les panneaux de corten qui constituent l'enveloppe porteuse de la maison d'habitation Dejardin-Hendricé de Pierre Hebbelinck sont encore plus fins. Steven Holl utilise également des tôles d'acier patinées dans les nouvelles constructions de l'université de l'Iowa. Elles ont la forme de panneaux, mais sont aussi plissées et assemblées pour d'éfinir un escalier sculptural qui semble planer. Dans leur local de vente en forme de tour, les frères Freitag jouent avec les traces d'utilisation sur des conteneurs empilés et, à Paris, les tirants de seulement 10 à 15 cm d'épaisseur confèrent élégance et légèreté à la passerelle piétonnière Simone de Beauvoir. Les modules d'acier de l'hôtel de ville projeté à Ora par Riken Yamamoto ne pèsent pas plus de 40 kilos. Additionnés en grand nombre, ils sont simplement arrimés avec des bandeaux d'acier en une grande structure. L'enveloppe en acier chromé de la maison de thé sur un bunker d'UNStudio produit un effet tout différent de la structure en acier inoxydable tendue par-dessus les deux éléments de scène mobile du „Spielbudenplatz“ à Hambourg. Lisse et brillant, rêche, soyeux ou sablonneux, froid et dur, massif et lourd ou étonnamment léger et fragile: rien que les exemples dans ce cahier laissent entrevoir la diversité des effets de l'acier et de sa perception. Selon l'alliage et la surface, l'acier semble être un autre matériau. À cela s'ajoute la «malléabilité» déjà relevée par Semper pour le fer: le fer comme l'acier peuvent être coulés, laminés ou forgés dans pratiquement n'importe quelle forme, sans parler des nouvelles possibilités d'usinage et de façonnement pilotés par ordinateur. Malgré toutes les innovations, la fabrication est restée un processus pour ainsi dire archaïque. Jaillissement d'étincelles et incandescent de chaleur: à aucun moment l'intensité de l'acier impressionne davantage que lors de sa fabrication. La rédaction

Inhalt

Thema

Thomas Leslie
Poröses Metall School of Art and Art History Building, University of Iowa, von Steven Holl Architects

Christoph Wieser
Experimenthaus in Stahl
Wohnhaus in Comblain-au-Pont, Belgien, von Pierre Hebbelinck

Momoyo Kaijima
16 mm-Wände Wohnhaus in Tokio von Kazuyo Sejima

Anneke Bokern
Balanceakt Teehaus auf einem Bunker in Holland von UNStudio

Jan Geipel
Demokratischer Stahlbaukasten Ora Town Hall von Riken Yamamoto

Gert Kähler
Spielbude, redivivus Spielbudenplatz Hamburg St. Pauli, von Lützow 7 Müller Wehberg und Spengler + Wiescholek

Sabine von Fischer
Fast wie auf hoher See Freitag Flagship Store in Zürich von spillmann echsle architekten

Bertrand Lemoine
Ein schwebender Spazierweg Die Fussgängerbrücke Simone de Beauvoir in Paris von Dietmar Feichtinger

Forum

Kolumne: Kai Strittmatter
EFH: Einfamilienhaus in Coppet VD von Andrea Bassi
Texte original français
Wettbewerb: Projektwettbewerb Erweiterung Kunstmuseum Bern
Zum werk-material: Sporthalle Gotthelf in Thun von müller verdan weineck architekten
Zum werk-material: Fensterfabrik G. Baumgartner in Hagendorn von Niklaus Graber & Christoph Steiger Architekten
Innenarchitektur: Restaurant im Turm der Universität Zürich von Stefan Zwicky
Bücher: Structure as Space
Bücher: Die Wohnungsfrage ist Frauensache! Ausstellung: Asmara – Afrikas Hauptstadt der Moderne
bauen + rechten: Zuerst Geld – dann Arbeit!
Ausstellungen | Wettbewerbe | Veranstaltungen
Neuerscheinungen | Produkte
Vorschau | Impressum

werk-Material

müller verdan weineck architekten, Zürich
Sporthalle Gotthelf in Thun, BE
Niklaus Graber & Christoph Steiger Architekten, Luzern
Fensterfabrik G. Baumgartner in Hagendorn, ZG

Une promenade suspendue

Les quartiers en bord de Seine à l'entrée amont de Paris ont connu ces dernières années de profondes mutations. Rive droite, le parc de Bercy entouré de blocs de logements bien ordonnancés est venu remplacer les chais du marché aux vins. Rive gauche, un nouveau quartier de bureaux et de logements s'est constitué autour des quatre tours et du parvis de la Bibliothèque nationale de France, en empiétant en partie sur le faisceau ferroviaire de la gare d'Austerlitz. Si les quais sur la rive droite restent occupés par une voie rapide urbaine, séparée du parc par une terrasse de plusieurs mètres de hauteur, ils font sur la rive droite l'objet d'une reconquête orientée vers les loisirs et la promenade, avec en particulier l'installation d'une nouvelle piscine flottante. Pour fédérer ces deux ensembles, une passerelle était prévue de longue date.

Inaugurée sept ans après le concours, elle se déploie sur une longueur totale de 304 mètres, pour 194 mètres entre appuis. Cette portée assez importante, ajoutée à une ligne très tendue, a exigé une conception très technique, où l'architecte autrichien Dietmar Feichtinger a dû collaborer étroitement avec le bureau d'études RFR, spécialiste des structures sophistiquées. L'entreprise Eiffel a également apporté son expertise de la fabrication de grandes pièces, avec son banc d'oxycoupage de 35 m de longueur capable de découper des tôles de 300 mm d'épaisseur.

Son dessin particulier, en forme de poutre lenticulaire définie par l\\'exact contrepoint d'un arc très tendu et d'une suspente caténaire qui dessine une vesica (intersection de deux cercles), résulte ainsi de son inscription topographique. Elle propose en effet un double cheminement : l'un branché au niveau des terrasses hautes de la Bibliothèque et du parc, l'autre raccordé au niveau des quais routiers. De part et d'autre de la passerelle, deux cheminements en porte-à-faux de 3,5 m de largeur aboutissent sur la rive gauche au niveau de l'avenue, côté rive droite à hauteur de l'esplanade. Le tablier central large de 5 m part quant à lui de la terrasse de la Bibliothèque pour aboutir sur le quai bas de la rive droite. Au milieu du pont, l'espace jalonné par les faisceaux de quatre tubes qui forment les montants verticaux de la poutre lenticulaire définit une place couverte de 65 m par 12 m suspendue au milieu du fleuve, à l'image de ce que le pont des Arts avait inauguré deux siècles plus tôt.

Le profil en long de cet ouvrage se définit ainsi comme une succession de montées et de descentes asymétriques produites par l'intersection des deux courbes, chacune matérialisant un cheminement distinct avec une plage commune au niveau de chaque extrémité de la lentille centrale. Par sa forme originale et les cheminements variés et inédits q'elle propose, la passerelle Simone de Beauvoir s\\'impose déjà comme le point d'orgue du réaménagement du sud-est de Paris.

Une structure composite

En élévation, la passerelle se présente comme l'assemblage de plusieurs parties : à partir des rives, deux travées débordant de trente mètres sur le fleuve, reposent chacune sur deux béquilles obliques en profilés soudés. Elles sont ancrées dans le sol par des tirants verticaux fixés sur des barrettes précontraintes. Au centre, la poutre lenticulaire dont les membrures prolongent celles des poutres de rive, forme avec les montants obliques encastrés dans l'arc une demi-poutre Vierendeel. Enfin, de part et d'autre, deux travées indépendantes en forme de poutres isostatiques sous-tendues de 35 m relient au-dessus des voies de circulation les parties hautes du pont aux deux terrasses. Malgré leur profil légèrement cintré, elles ne s'inscrivent pas dans la stricte continuité de l'ouvrage. Le léger angle qu'elles forment avec la catène casse quelque peu la pureté géométrique de l'ensemble.

L'arc est composé de deux poutres caissons entretoisées par des poutrelles reconstituées ; la suspente caténaire est formée de deux plaques larges d'un mètre et d'une épaisseur de 100 mm pour la lentille et de 150 mm pour les parties latérales.

Le montage de la passerelle s'est fait à la fois à partir des deux rives et par la mise en place en un seule jet de la lentille centrale. Acheminée par barge depuis les ateliers de l'entreprise Eiffel à Lauterbourg en Alsace jusqu'à Paris via le Rhin, la mer du Nord et la Seine, cette poutre de 510 tonnes, longue de 106 m a été hissée en place en quelques heures pendant la nuit. Un montage virtuel sur ordinateur, avec un relevé au laser des zones d'assemblage, a permis d'apporter les corrections nécessaires sur les bords à souder.
Souple et légère malgré ses 1500 tonnes d'acier S 355 NL, la passerelle est protégée des vibrations intempestives par deux types d'amortisseurs intégrés, visqueux et dynamiques. Cela permet d'assurer un meilleur confort des piétons et des foules, qui pourraient percevoir – à tort – les éventuelles vibrations de la passerelle comme un danger. Les garde-corps sont formés de filets en maille d'inox tressée tendus entre des montants verticaux en inox intégrant l'éclairage. Le sol est entièrement revêtu d'un platelage en chêne d'Ile-de-France incrusté de bandes de résine antidérapante. Une partie de ce bois non traité provient des arbres abattus par la tempête de 1999 qui a dévasté une partie des forêts françaises. Les détails simples mais soignés font oublier la performance technique de la conception d'ensemble au profit du plaisir immédiat de la promenade.

Cette passerelle est bien davantage que le trente-septième pont de Paris ou la quatrième passerelle parisienne réunissant les deux rives. Elle propose un nouvel espace public entre deux, un événement scénographique au-dessus de l'eau qui a rencontré un succès immédiat. Elle montre que l'intelligence de la conception technique alliée à une conception architecturale profondément en harmonie avec l'esprit du lieu peut radicalement requalifier deux quartiers qui se cherchent encore. Elle suggère l'importance dans la définition d'une ville contemporaine du jeu avec les éléments, de la création de liens signifiants entre les choses et de la valeur ajoutée apportée par une conception technique sensible.

werk, bauen + wohnen, Do., 2007.03.15

15. März 2007 Bertrand Lemoine



verknüpfte Bauwerke
Passerelle Simone de Beauvoir

Porous Metal

Three hours west of Chicago, Iowa isn't traditionally thought of for its architecture, but the state has a long tradition of excellent buildings by architects ranging from Louis Sullivan to Saarinen pere and fils, and more recently to David Chipperfield and Frank Gehry. Steven Holl's new building for the University of Iowa's School of Art and Art History continues this tradition, settling in to a complex, riverfront campus and using steel to define programmatic, formal, and contextual volumes in profound and engaging ways.

The University's art campus is separated from its main academic center by the Iowa River; it has grown up somewhat chaotically around large stretches of parking. Holl was originally given the commission to extend the Art School on an open site some distance up the road from the original 1930s building, but after seeing the site asked if the location could be moved closer to the existing buildng, to a „leftove“ site at the foot of a large bluff and adjacent to an abandoned quarry. Holl Associate Chris McVoy recalls that this site was both more challenging and more meaningful, as it offered an opportunity to explore the meeting of the campus' grid layout with geological forms.

This site demanded a scheme that could inflect along pedestrian routes to the art school, to the University-related neighborhood atop the bluffs, and to a nearby pedestrian bridge. While a simple addition to the older structure would have suggested a „object“ building, this site required one that acted as a field through which movement could occur, which neatly paralleled Holl's longstanding interest in what he terms „porosit“. Recent work exploring this notion, including his dormitory at MIT, adopted a more metaphorical interpretation of this idea; at Iowa, Holl was able to design a building that was permeable in experience as well. Early experiments moved programmatic elements – a library, classrooms, studios, and offices – around the site to find ways in which their layout could reinforce and strengthen movement across and through the site, and these resulting voids and paths became the building's key generators.

The resulting forms play off of the site's unusual geometry. One element clings to the curved prow of the bluff, extending its mass toward the north and housing offices and small classrooms on the ground level, library and office space on the second, and studios on the third. The southern edge of this form opens up on to the quarry with public and reading space, while the northern edge houses programs needing soft, diffused light, which comes through translucent glass in a more urban façade. Toward the old art school, a bulging volume houses the main auditorium and a design studio while sheltering the building's main entrance. Finally, the most dramatic form is a long, cantilevered volume that shoots out from the second floor over the quarry, containing library and multimedia functions while forming a dramatic signature to pedestrians and drivers alike arriving from the south. These three forms intersect and overlap in a central void space that merges and blurs their interior boundaries. The spatial overlap here supports an intended programmatic overlap between the varied functions, and a cafe here forms the social core of the building and, by extension, the art campus.

The Holl studio's early studies explored the possibilities of defining volumes with planes, opening corners, edges, and surfaces to emphasize the distinctions between a suggested form and an experienced void. Overlapping, sliding planes could open up views and access to the landscape – in particular the quarry – but these also began to play a role in shaping the central „community forum“. Heavy structural steel played a provocative role in achieving the sense of permeability suggested by the massing. Holl's watercolor sketches show an interest in exposed edges, and in thin, tenacious planes of plate steel thoughtfully exposed. These became touchstones for a vocabulary of planar forms defining the programmatic voids and shapes that arose from the earlier design phase. On the exterior, this metallic investigation is manifested in a unique cladding system of weathering steel.

Richer in tone than Cor-Ten, this alloy quickly oxidized to a rich, orange-red that recalls the brick of nearby campus buildings. Contrasted with concrete structural elements and glass, the steel panels have a warm, velvet-like surface texture. These frame irregular openings of simple, mullion-less glass, and the details at these edges seem intentionally fragile, emphasizing the building's tenuous distinctions between inside and out. On the north elevation, a more regimented grid, steel plays a background role, framing large opening of channel glass with aluminum-framed windows within.
Inside, steel is also exploited for its planar and tensile qualities. In particular, a grand staircase structured entirely of plate steel punctuates the central forum space. Made of simple brake-shaped and welded plates, its flights of stairs jump across the space, supported only by steel guardrails and stringers. These structural gymnastics, engineered by Guy Nordenson with local associates SEA, provide an almost encyclopedic demonstration of steel techniques while energizing an already provocative space with a dramatic focus. Interestingly, the 150 cm deep steel plates that form the spanning support for landings also define what have become informal conversation spaces. Harbored by tall steel, these spaces have a surprising intimacy that a more typical stair with only a code-required guardrail would lack.

Throughout, steel is detailed to expose its edges, its thinness, and the raw forms and textures of its production. Connections are left exposed, nothing is mitred or ground smooth, and the steel structure's connections to the floors' precast planking is left open. On top of these planks, polished topping slabs are level with the expressed top flanges of the supporting steelwork. Outside, Holl's more aspirational intentions for thinness and tenacity have been successfully translated into the insulated glass and cold-bridge insulation necessary to survive Iowa's winters, an achievement that McVoy credits in part to a healthy collaborative relationship with local architects HLKB. The result of this consistent approach to exposed detailing is a building that reveals its formal conception and constructive logic in ways that are often intentionally unrefined: „country simple“ detailing, in the local idiom. There are moments where the distinction between plain-spoken and merely plain becomes blurred, but overall these are absorbed into a broad palette of frank, direct materials and details. The result is a building dense with experience and nuance. Taut planes seem constantly to both harbor space and to propel views out into the landscape, and one is constantly aware of edges, lines, and planes, while volumes seem to only rarely cohere. But the overall effect is remarkably harmonious, even placid at moments, in part because of the red-painted steelwork that forms a constant, organizing presence: a clear-mannered counterpoint to the building's enigmatic forms. In its opening months the building has proven popular with faculty and students, who value its qualities of light and comfortable social spaces alongside its more cerebral themes. Most tellingly, perhaps, students have noticed that a damp finger can leave traces in the weathering layer of the skin until the next rain; despite the University's (perhaps ill-advised) attempts to erase or clean these, messages, cartoons, and philosophical epigrams have all been lightly traced into the steel. „Rusty Grafetti!“ says one, to which another responds „Spelling!“ Like the rest of the building, the steel skin invites touch and dialogue, perhaps in ways unforeseen.

werk, bauen + wohnen, Do., 2007.03.15

15. März 2007 Thomas Leslie

Figure imposée

Coppet est un village-rue lémanique traditionnel, situé à quelques encablures de Genève. Il est principalement connu pour son château du XVIIème siècle, autrefois demeure de Madame de Stael. Coppet est aussi une commune, au cœur de la région dite de « Terre-Sainte », qui devient un des nouveaux réservoirs de parcelles pour les cadres pendulaires genevois, que le territoire, devenu trop exigu, ne peut plus accueillir. Dans cet univers bourgeois, dominé par les toits généreusement tuilés et le crépi volontairement rustique, cette petite commune a eu le courage de modifier son règlement des constructions pour permettre la réalisation d’architectures contemporaines.

C’est dans ce contexte qu’Andrea Bassi conçoit une généreuse et lumineuse villa concentrée au nord d’une parcelle de 2’200 mètres carré. Un prisme de béton qui « flotte » sur un jardin largement remanié dans ses mouvements de terre : une forme de réponse d’architecte aux trop fameux talutages qui envahissent les abords des villas de moyenne gamme.

En continuité de ses précédentes réalisations domestiques, l’architecte s’impose un thème qu’il affectionne : une maison à patios. Dans un environnement décousu, le carré[1] s’affirme comme étant la figure rhétorique utilisée pour donner sens à l’intervention. Ici la géométrie n’est pas mise au service d’une « centralité rayonnante » qui, comme chez Andrea Palladio, se devait de contrôler le paysage agraire lointain, mais au contraire accepte des découpages aléatoires permettant d’introduire des « micro-paysages » au coeur même de l’habitat, là où s’installe naturellement la pièce de vie[2]. Dans cette composition de « l’enlevé » qu’il a déjà expérimenté à une plus grande échelle[3], Andrea Bassi met en jeu quatre patios qui sont comme des corps creux à l’intérieur de l’enceinte de béton. Leurs dimensions et leurs proportions sont le fruit d’un patient travail en maquette, où le verre, très finement découpé par les profils en aluminium, exacerbe l’angle qui s’évide par le subtil coulissement de la baie.

En cohérence avec la recherche d’une « spatialité horizontale » afférente à l’ensemble des travaux de l’architecte, les parcours qui s’offrent ici aux occupants sont une espèce de « promenade en deux dimensions » entre des corps de verre, dont l’intensité et la qualité de lumière varient en fonction du parcours solaire. A l’envi, ils deviennent des corps de textiles quand les rideaux, indispensables palliatifs dus au renoncement du store, habillent le verre d’un contour plus flou et annoncent une autre scénographie intérieure.

Les quatre façades de cette villa sont la résultante de l’intériorité : elles expriment parfois le mur, parfois le verre, parfois les deux. Bassi n’a pas cherché à pousser le projet dans une radicalité absolue où la géométrie et la notion de l'enceinte murale auraient dicté leurs règles. Ici le « micro-contexte » et la qualité de l’usage l’amènent à déplacer telle fenêtre, à vitrer un angle sur le paysage ou à donner au garage, véritable pièce d’entrée, un statut de cinquième « patio ».

L’abstraction développée dans ce projet tend à effacer toute codification constructive traditionnelle. C’est dans le traitement de la matière, « support et champ d'action de la créativité »[4], selon la pensée heideggérienne, qu’apparaît de la manière la plus claire cette recherche de simplicité extrême affichée et revendiquée[5]. Le béton n’est qu’une peau, dont l’oxydation ferreuse affleure parfois à la surface avec des reflets cuivrés. Le verre supporte l’aluminium plus que le contraire. Toute expression de fermetures mobiles extérieures a disparu. Il n'y a plus de ferblanterie. Cette conception est rendue possible par une expérimentation sans cesse améliorée au fil des occasions d’architecture. Une attitude qui démontre que la richesse du savant apprentissage des modes de fabrication de la construction, est certainement une des clés du processus de projet contemporain.

werk, bauen + wohnen, Do., 2007.03.15

[1] La villa n’est pas tout à fait carrée et mesure en fait 19.90 m. par 18.10 m.
[2] On peut ici faire un parallèle avec la villa Tonini de Reihnardt et Reichlin (1972-74), où la salle à manger était au centre de la composition carrée très formelle, en référence à la villa Capra (La Rotonda) de Palladio (1566)
[3] Ecoles des Ouches, Genève, 2000-2006, voir Werk, Bauen+Wohnen, n° 3, 2006, p.10.
[4] Martin Heidegger, „L'origine de l'œuvre d'Art“, in Chemins qui ne mènent nulle part,
Ed. Tel-Gallimard, Paris, 1996 (1936), p. 25.
[5] Andrea Bassi : „Je me conforte dans le besoin toujours plus pressant de calme et de simplicité“, in André Gaillard architecte, édité par la FAS Genève, novembre 2006, p. 14.

15. März 2007 Philippe Meier

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